Lettre de Leonor Fini à Nadine Monfils

LAURA COLOMBE

Nadine Monfils

1981
Edition Le Cri

Réédité 2001
Atelier Des Brisants


Illustrations originales de Léonor FINI.

Postface de thomas OWEN.

EXTRAIT

Le 13 janvier 1980

Chère Nadine,

Je suis en train d’écouter votre cassette. Je trouve Carole Laure très très belle, un peu antipathique aussi et ses films sont très mauvais !…

J’écoute, j’entends parler de moi… Pourtant, je ne trouve pas une grande affinité entre vos récits et mes tableaux. On en reparlera. Je vous enverrai « Mourmour » qui est parmi mes contes, celui qui me semble le plus proche de vous.

Vous avez une voix ravissante – bon signe !

Je suis perplexe que vous soyez mariée et avec un enfant. Cela me dérange et me paraît très étranger. Une soumission à la vie qui ne ressemble pas à vos contes. Pourquoi ? Mais pourquoi ?

Je n’aime que les vraies rebelles. Vous avez connu une soumission, quoi que vous dites maintenant. Cette surprise m’a un peu désorientée. Vos contes ont une grande grâce et une ravissante imagination. J’écoute votre voix avec plaisir. Il y a un double fond dans cette voix, comme dans certaines boîtes. Dans les contes, il y a des sucettes roses, dentelles, rubans roses et tous ces oiseaux qui, personnellement ne m’attirent pas.

Je trouve beaux les oiseaux, mais ils sortent de ma mythologie. Je n’en ai peint qu’un, dans un tableau « La reine de Saba ». Mais c’est un rapace… son gardien. Les contes que vous dites dans la cassette sont beaux. Mais ne dites pas « chat » pour parler du sexe… dites « hérisson » ou «  mouette » ou autres (marmottes ou petit tapis) !

Maintenant, le mot « pervers » que vous chérissez m’est totalement étranger. De vrais crétins disent que je peins parfois des perversités. Je ne le suis pas. Je peux dire : des inversions, parfois ou des mélanges qui sont la réalité profonde des êtres. Je ne me sens pas perverse.

Je pense aussi que c’est inutile de dire « je veux rester toujours une enfant, une petite fille ». Inutile d’en faire une profession car tout être vraiment éveillé reste toujours enfant.

Je vous promets un dessin pour votre couverture. Un de ces jours vous le recevrez. Peut-être tout de suite. Je voudrais en échange une photographie de vous. Je ne sais pas quand on se rencontrera. Pour le moment, je dois finir certains dessins.

La musique est en trop dans votre cassette. Dommage, vraiment.

Je ne sais pas où avez-vous vu, connu tellement d’anges. Les anges sont pour moi des esprits les plus subtils. Ou les animaux… Eux sont des anges !

Bien d’amitiés, chère Nadine.

Léonor.

....

   Retour à la page de Leonor Fini