
Benjamin Franklin
NOTES ET PORTRAITS
LE DOCTEUR FRANKLIN.
>Je vis pour la première fois le docteur Franklin lorsque je faisais   le  portrait de Monsieur, depuis Louis XVIII; il venait avec les autres  ambassadeurs faire sa visite de cour; je fus frappée de son extrême  simplicité: il était vêtu d'un habit gris tout uni, ses cheveux plats,  sans poudre, tombaient sur ses épaules, et si ce n'eût été son noble  visage, je l'aurais pris pour un gros fermier, tant il faisait contraste  avec les autres diplomates, qui tous étaient poudrés, en grande tenue,  et chamarrés d'or et de cordons.
                 Nul homme à Paris n'était plus à la mode, plus recherché que le   docteur  Franklin; la foule courait après lui dans les promenades et les lieux  publics; les chapeaux, les cannes, les tabatières, tout était à la  Franklin, et l'on regardait comme une bonne fortune d'être invité à   un  dîner où se trouvait ce célèbre personnage. Je puis dire toutefois qu'il  ne suffisait pas de se rencontrer avec lui, fût-ce même très  fréquemment, pour satisfaire la curiosité qu'il excitait; je l'ai  beaucoup vu chez madame Brion, qui habitait constamment Passy; Franklin  passait là toutes ses soirées; madame Brion et ses deux filles faisaient  de la musique, qu'il semblait écouter avec plaisir, mais dans les  intervalles des morceaux, je ne lui ai jamais entendu dire un seul mot,  et j'étais tentée de croire que le docteur était voué au silence.
Extrait du livre :
              Souvenirs de Madame Louise-Elisabeth Vigée Lebrun
              Édition : Librairie de H. Fournier - Paris 1835